8 septembre 1944 - 14 juillet 2000, retour sur un crash !
Texte de Stéphane Muret
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septembre 1944, Salon Air Base, "home" du 27th Fighter Group de la
12th AF de l'USAAF. Ce matin, plusieurs patrouilles se préparent.
Les
P-47D des 522nd, 523rd et 524th Fighter Squadrons vont une nouvelle fois décoller
pour traiter les voies de communication allemandes de l'est de la France.
En
ce début septembre, les armées franco-américaines débarquées en Provence le
15 août et franco-anglo-américaines débarquées en Normandie le 06 juin,
commencent à marquer le pas en Franche-Comté notamment. Le front va ainsi se
stabiliser pour deux longs mois entre les Vosges et la Suisse.
Les groupes de chasse américains, notamment de la 12th Air Force, 27th FG, 79th FG, 324th FG et des 8th et 9th Air Force, 371th FG, 367th FG ainsi que plusieurs groupes français, GC 2/5, 2/3, 1/5 … ont alors pour tache de désorganiser les lignes arrières allemandes, au cours de longues missions de reconnaissance armée à basse altitude …Ce sont essentiellement des P-47D Thunderbolt qui se voient assignés ces dangereux objectifs.
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Le Capitaine Williams , le "patron " du 522nd FS de la 12th AF de l’USAAF (Photo:C.Williams via auteur) |
Le Republic P-47 D-25-RE « Thunderbolt » s/n 42-26429 du 522nd FS de la 12th AF de l’USAAF , surnomé SHORT STUFF par son « cocher » le Capt.Charles C.Williams probablement vu à Salon en septembre 1944. |
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septembre 1944
Ce
matin de fin d'été, le 522nd Fighter Squadron s'est donc vu attribuer une
mission de reconnaissance armée, c'est à dire de recherche et de destruction
d'objectifs au sol, dans le secteur Gray-Belfort-Mulhouse-Gerardmer. C'est le
patron du Squadron, le Capitaine Charles C. Williams qui est désigné leader.
C'est un "moustachu", au propre comme au figuré. On le considère déjà,
à 24 ans, comme un vétéran. Ancien du Pacifique où il a combattu les
japonais sur P 39 au sein du 54th Fighter Group, il a obtenu une demi-victoire aérienne
sur un zéro. C'est également un leader incontesté en Europe où il a obtenu
une victoire au détriment d'un Messerschmitt 109 en maraude au dessus de Salon
…
Les
4 P-47D décollent donc de Salon vers 09 heures et se posent pour un
court ravitaillement à Dijon, récemment libérée. Vers 11 heures, les lourds
chasseurs bombardiers passent la ligne de front et repèrent rapidement un train
qui semble à l'arrêt à l'est de Belfort, vers Chèvremont. Pour Charles C.
Williams, la cible est évidente et il bascule rapidement son appareil sur
l'aile gauche et entraîne avec lui les 3 autres Jugs. La première passe de tir
se fait sans problèmes. "Il n'y avait pas de réactions de la Flak
…" se souvient encore Charles Williams, " … j'ai alors décidé de
faire une deuxième passe … Ce fût une grosse erreur".
Les
artilleurs allemands ont eu le temps de régler leur tir et le P-47 du leader
encaisse durement. Lorsqu'il dégage, le second leader, le Lt Durnbaugh
lui signale immédiatement de la fumée sortant de son moteur mais Charles
Williams a déjà compris. Dans le cockpit du P-47 s/n 42-26429, la pression
d'huile est tombée brutalement et de la fumée envahi l'habitacle.
Il
faut se poser en urgence. Un virage à 180°, une prairie apparemment plate et
la décision de se poser sur le ventre est prise. Le risque d'explosion en vol
est trop grand. Il est alors 11 heures 15.Au sol, dans le petit village de Vézelois,
les habitants ont certainement entendu les avions et le mitraillage du train à
Chèvremont mais le combat est masqué par les collines environnantes.
Cependant, le calme matinal est brutalement perturbé par le passage d'un avion
en feu qui rase les toits des dernières maisons et qui va se crasher à
quelques centaines de mètres du village, au lieu-dit en Arbour. Dans l'avion,
Charles C. Williams ne s'affole pas. Il sait ce qui l'attend. Le choc est rude
et l'avion, perdant son réservoir ventral, glisse dans les prés avant de s'arrêter
au fond d'une petite dépression. C'est la fin pour Short Stuff, ainsi surnommé
par son pilote.
Williams
détruit son IFF, évacue rapidement et rejoint les bois proches. Un dernier
regard pour son avion qui semble ne pas brûler et son ailier qui le survole une
dernière fois le voit disparaître sous les arbres.
Au
bout d'une centaine de mètres, il décide alors de faire le point … C'est
sans compter sans un brutal "Hande hoch" qui le ramène à la réalité.
Une
patrouille allemande avec des chiens a immédiatement retrouvé sa trace et l'a
rattrapé. C'est sur un ironique "maschine kaputt ?" que débute alors
sa vie de prisonnier qui le verra transiter par Willigen, Oberursel puis le
Stalag Luft I de Barth en Poméranie. Le Capitaine Charles C. Williams est libéré
par l'Armée Rouge le premier mai 1945.
Il
revolera par la suite sur P 47, F 80 Shooting Star, T 33 et F 86 et devenu
Colonel, prendra sa retraite de L'US Air Force en 1968 .
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Stéphane
Muret ( l’auteur ) et Charles C.Williams à Vézelois (
Photo: E.Janssonne ) |
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14 Juillet 2000 à Vézelois
Juillet
2000, Charles C. Williams foule à nouveau le sol de Vézelois et son site de
crash. Il est toujours difficile de traduire par écrit ces moments d'émotion
pour un pilote au passé prestigieux, pour des témoins de l'époque qui découvrent
enfin cet Américain dont l'épave de l'avion avait servi de jouet à tant
d'enfants du village, pour de jeunes historiens qui ont passé des années à
retrouver cet homme et son histoire.
Ce
retour est en effet l'aboutissement de 4 années de recherches menées par un
habitant de Vézelois, Didier Badiqué, qui dès 1996 avait retrouvé les
premiers vestiges de l'appareil et d'un enseignant belfortain, Stéphane Muret,
qui depuis 1994, effectue des recherches sur l'histoire de l'aviation dans l'est
de la France pendant la Seconde Guerre Mondiale. Deux passionnés d'aviation qui
sans compter les heures de travail ont d'abord identifié l'avion puis le pilote
avant de le "tracer" jusqu'au Texas et de lui faire découvrir le lieu
où il avait vécu de telles aventures. Décider un ancien, fussent-il pilote,
de revenir à 80 ans en Europe, ne fût pas sans mal et l'intervention de Françoise
Williams, épouse de Charles C. Williams et de Mme Wood, une alsacienne
d'origine, aujourd'hui Américaine fût d'un grand secours !
Aujourd'hui,
le dossier Williams est fermé. Des amitiés fortes se sont nouées au cours de
cette formidable aventure humaine mais pour un dossier fermé, combien resteront
à jamais ouverts ?
Laissons
à Charles C. Williams le soin de conclure en résumant parfaitement le problème
lors d'une réception à la Mairie de Belfort : " Je ne suis pas venu en
France pour être honoré personnellement mais pour tous mes camarades, ceux qui
sont tombés et ne sont pas revenus".
Ne
les oublions jamais.
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L’auteur
devant les nombreuses piéces dont certaines retrouvées par l’auteur ( Photo : E.Janssonne) |
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