DELTA  DYKE  JD2 Carlos De Brito

Beaucoup trop de trop

Trop innovateur pour le marché civil, trop difficile à construire par des constructeurs amateurs, trop difficile à piloter, trop cher à construire en série, le Delta Dyke a néanmoins intéressé les pionniers séduits par ses formes futuristes et une conception permettant des développements intéressants.

Le Delta Dyke existe aujourd'hui à plus au moins 50 exemplaires aux USA et un seul en Europe. La bête rare est le Delta Dyke JD2 immatriculé F-PYBZ dont le dernier propriétaire connu est Gérald DUCOIN, l'appareil était basé à Semur en Auxois en Côte d'or.

Une genèse américaine

L'américain John Dyke avait conçu  dans les années 50 un avion pour les loisirs, avec une touche de "American Way of Life", par exemple les ailes sont repliables en 5 minutes pour le transporter de son domicile à son camp d'aviation préféré et pouvoir l' entreposer dans son garage. Le Delta Dyke avec ses ailes repliées est au gabarit routier de 2,50 m de large, il peut être ainsi transporté sans autre aménagements spécifiques.

Le Delta Dyke vu sur l'aérodrome de Dijon Darois en 1996   ( Photos Thierry BEYL ) 

Lors d'un voyage aux USA, Pierre Robin est séduit par les qualités de l'appareil, il achète un jeu de plans. De retour en France, il demande à son chef d'atelier de sa société : Jacques Moiton,  de construire un prototype en vue d'une production en série. Malgré des modifications de structure, du revêtement et des détails comme l'échelle d'accès à l' habitacle, l'appareil s'avère incompatible avec une production industrielle. Après 9 heures et 30 minutes de vol aux mains de Brandt et Muller, le projet est abandonné. En effet s'ajoutant aux difficultés de production en série, l'avion s'avère difficile à piloter par un pilote moyen d'aéroclub. 

L'avion Pierre Robin N° 001 F-WYBZ, débarassé de son moteur et de son hélice est vendu à la société DYNAERO de Christophe Robin et stocké dans un  hangar de l'aérodrome de Dijon Darois.

Gerald DUCOIN

Posé sur son croupion, l'avion aurait pu finir chez un ferrailleur, sans son actuel propriétaire: un pilote professionnel décidé. Le pilote professionnel parle d'une voix calme, mais dans laquelle on sent la détermination. Le nouveau propriétaire s'est investi totalement dans cette affaire. Tel un navigateur solitaire il veut connaître et réparer son avion. Il est tout à la fois : pilote, mécanicien, électricien, spécialiste cellule, metteur au point, commercial et agent de presse.

Le Delta Dyke JD2 dans son hangar à Semur en Auxois

3 mois à temps plein

Après l'achat, l'appareil est posé sur une remorque, durant le trajet il perd une aile ! mais plus de peur que de mal. L'appareil après démontage et inspection s'avère en bon état. Les 3 mois d'hiver, il va les passer à remettre en état de vol son appareil. Le propriétaire installe un moteur Lycoming 0360 A2A de 180 CV. Au passage il améliore le refroidissement du propulseur en invertissant le radiateur d'huile sur le coté gauche sous le capot moteur tout en réduisant les nuisances sonores en plaçant un silencieux d'échappement différent de celui des plans d'origine. Ce moteur nécessite la fabrication, par un artisan de la région bordelaise Alain Léger, d'une hélice tripale d'un diamètre permettant de laisser une garde au sol suffisante. Pendant ce temps il remet tous les instruments de vol obligatoires à la sécurité de vol et perfectionne les qualités de vol en modifiant le compensateur/trim du coté gauche. L'appareil obtient le certificat de Navigabilité Restreint ( CNRA) le 4 Avril 1996.

Delta Dyke		JD 2

Un appareil qu'on respecte

Après le chef du bureau d'études et d'essais statiques, le nouveau propriétaire change de casquette et la troque contre un casque de pilote d'essais. Muni des consignes du dernier pilote du JD2 - souvenirs de 9 heures de vol vieux de 10 ans -Gérald Ducoin effectue le 23 février 1996 à 14 heures 55 le deuxième premier vol de cet appareil.

Le Delta Dyke vole comme un avion d'aéroclub ni plus ni moins, la visibilité est excellente sur 360° par contre vers le bas elle est quasi nulle. Le décollage s'effectue à 65 kTs ( 120 Km/h ) et on prend de l'altitude à 80 kTs ( 145 Km/h), la vitesse de croisière est de 130 à 135 kTs ( 250 Km/h) avec une consommation d'essence tout à fait raisonnable de 32 litres/heure. La vitesse de décrochage est de 60 kTs ( 111 Km/h ), l'appareil averti le pilote, les commandes deviennent molles et après l'avion tombe comme une pierre, mais l'avion n'est jamais parti en vrille. A l'atterrissage on sent un véritable matelas d'air sous l'avion qui se pose à 80 kTs ( 145 km/h ) avec un cabré maximum de 9°.

Nez de l'appareil  moteur lycoming,  hélice  en bois A. Leger et son cône en  composite 

Un vol pas comme les autres

Lors d'un vol de routine au-dessus de l'aérodrome, Gérald DUCOIN commande la rentrée du train puis prend de l'altitude, soudain il entend sur la radio du bord un ami qui l'averti : tu as ta roue avant qui se balance ! fais un passage bas pour qu'on puisse vérifier ! Gérald s'exécute et les témoins l'informent que la contre fiche du train est cassé. Pendant que les secours arrivent sur les lieux, le pilote examine la situation, il a le temps de réfléchir avec 150 litres d'essence dans le réservoir placé derrière lui. Le pilote va choisir de ramener son appareil en bon état et entier, il décide d'arracher la console centrale, casse le plancher qui donne sur le puits du train et grâce à une barre amovible amène la jambe du train en position verrouillée. Le  reste c'est à dire l'atterrissage se déroule comme à la parade. Aujourd'hui, prudent le pilote a placé une vitre en plexiglas permettant de vérifier le bon état du train et d'agir en conséquence.

Le Delta Dyke en meeting à Montceaux les mines

Un avion en évolution

Le Delta Dyke est devenu un avion de démonstration des nouvelles technologies appliquées au domaine aérien. Un programme de transformation a été mis en place avec des sociétés partenaires, le but est de remplacer le maximum de pièces métalliques par des matériaux composites ainsi le cône d'hélice est en carbone, les capots moteurs, les siéges, l'habillage de l'habitacle et des winglets en matériaux composites permettront d'alléger l'appareil. Une nouvelle hélice à pas variable devrait remplacer l'actuelle.

Le Delta Dyke JD2 - démonstrateur technologique -  au salon du Bourget  ( photos Marc Schuster ) 

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